Journaliste et réalisatrice, Rokhaya Diallo est une des voix émergentes du « féminisme intersectionnel » en France. En visite dans le Sud-Ouest pour le festival « Comme un grondement» organisé par l’Université populaire de Bordeaux, elle a accepté de revenir sur ses engagements.
Photos : Brigitte Sombié
Pour commencer, comment définiriez-vous le féminisme intersectionnel ?
Il s’agit d’un féminisme qui tient compte de toutes les situations d’oppression que peuvent vivre les femmes, et qui se croisent parfois : femme, mais également noire, musulmane, asiatique ou arabe; handicapée, lesbienne ou transgenre. Cela produit un type de discrimination spécifique et il faut en tenir compte.
Existe-t-il une sorte de féminisme universel, qui pourrait s’adresser à toutes les femmes ?
Non. Je pense que le féminisme le plus universel est celui qui tient compte des femmes les plus opprimées. Un féminisme uni- versel ne peut pas partir des femmes qui ont le plus de privi- lèges, qu’ils soient économiques, raciaux, relatifs au handicap… En France, il y a toujours eu un féminisme non blanc, et issu des classes populaires.
Ce qu’il se passe aujourd’hui n’est pas nouveau, ce sont les moyens d’expression qui le sont.
Il était présent dans les territoires d’outre-mer: un féminisme anticolonial à la Réunion dans les années 1940 ; un autre incitant les femmes antillaises à voter; un féminisme noir au sein du Mouvement de libération des Femmes (MLF) dans les années 1970… Les femmes des classes populaires ont toujours revendiqué des droits, ont toujours été présentes dans les mouvements sociaux. Ce féminisme, bien qu’invisibilisé, a toujours existé.
Ce qu’il se passe aujourd’hui n’est pas nouveau, ce sont les moyens d’expression qui le sont. Ils permettent à ces voix d’exister, alors qu’auparavant elles ne pouvaient pas se faire entendre indépendamment des médias dits « mainstream ».
Y a-t-il une ligne de fracture à l’intérieur du féminisme ?
Oui, le racisme. Les femmes racisées peuvent vivre le sexisme de la part de tous les hommes, même de la part de ceux qui partagent leur condition raciale. Mais elles peuvent aussi subir le racisme de toutes les personnes blanches, et y compris de la part des femmes. En parallèle, il existe des féministes blanches qui sont racistes et qui n’arrivent pas à se penser comme dominantes dans cette dynamique de pouvoir.
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Retrouvez cet article dans Revue Far Ouest : Courage.
Qu’ils portent de grandes causes ou qu’ils luttent au quotidien pour leur survie, nous avons voulu vous raconter ces courageux et ces courageuses, qui souvent s’ignorent.